Editorial du Président de la Caisse
Autonome de Retraite des Médecins de France, Docteur Gérard
Maudrux. Décembre 2012.
« Il était une fois un beau pays
avec des habitants heureux. Ils avaient, entre autres, les meilleurs
médecins du monde, qu’ils aimaient et respectaient. Tous avaient
accès aux soins, les remboursements étaient excellents et tous
avaient les moyens de payer. Les rares exceptions étaient soignées
gratuitement sans que personne ne le demande. L’ensemble
fonctionnait mieux et moins cher qu’ailleurs.
Le malheur est que cela fonctionnait
trop bien, surtout en toute liberté. Ce n’était pas supportable
pour la nouvelle classe de politiques et ses conseillers, tout droit
sortis de grandes écoles sans passer par la case terrain et travail.
Ils se sont mis dans la tête d’organiser, de planifier, de
contrôler le nombre de médecins, leurs tarifs, leurs prescriptions,
etc… Rien n’est laissé au hasard. Ils n’avaient qu’un
maître, Bismarck qui expliquait que pour contrôler le peuple,
l’asservir, il fallait le rendre dépendant.
Résultat : la médecine
libérale fait naufrage entraînant avec elle le système. Devoir
suivre des protocoles, ne plus être libre de ses actes et de ses
prescriptions n’est plus une médecine libérale. Une rémunération
à l’acte bloquée au profit de forfaits, de subventions, de prime
au rendement et à la paperasse, ce n’est plus une médecine
libérale. Est-on encore libéral quand on ne maîtrise plus que ses
heures de travail ?
En 1980, on avait compris que pour
pouvoir continuer avec le système, pour que les médecins puissent
continuer à fournir des prestations de qualité, il fallait au lieu
de subventionner, avoir la possibilité de dissocier le contrat
assureur-assuré, c’est-à-dire dissocier le tarif de remboursement
de la valeur de l’acte médical, deux choses différentes qui
évoluent différemment. On a pour cela crée le secteur 2
(dépassement du remboursement de la Sécurité Sociale autorisé).
Dix ans plus tard, en acceptant
d’abandonner la liberté, nous avons gagné la servitude. Un
libéral n’a pas de chaîne, un esclave, si. Le premier bracelet
a été scellé en 1990-1992 avec la fermeture du secteur 2,
protecteur du secteur 1 (entièrement remboursé par la Sécurité
Sociale). J ‘avais protesté à l’époque, expliquant que le
meilleur moyen d’empêcher le passage de médecins du secteur 1 au
secteur 2 n’était pas la fermeture mais la revalorisation des
actes en secteur 1.
Résultat : pour garder les
médecins en secteur 1, il n’y a plus besoin de revaloriser l’acte
médical qui est devenu, de loin, la prestation de service la plus
basse, faisant ainsi rétrograder la place du médecin dans la
hiérarchie de notre société.
Chaque nouvelle convention a apporté
son maillon (à la chaîne) et le second (et dernier) bracelet vient
d’être posé. Je croyais qu’il restait toujours une petite issue
de secours, et qu’avec la pénurie ou si les choses s’aggravaient,
vous pourriez passer hors convention. Je n’étais pas le seul,
malheureusement, à le penser. Il faut connaître les vrais motifs de
la dernière mascarade médiatico-conventionnelle sur les
dépassements d’honoraires excessifs, qui ne coûtaient rien à
l’assurance maladie.
Pour cela il faut suivre l’explication
de texte faite par le Directeur de la CNAMTS devant la commission des
affaires sociales du Sénat le 6 novembre 2012 : « J’ai
suggéré lors des négociations, que le déconventionnement (du
praticien pour passer en secteur 3 où les honoraires sont
entièrement libres) s’accompagne de l’arrêt du remboursement du
groupement homogène de séjour correspondant (à l’établissement
hospitalier) afin d’éviter la fuite vers le secteur 3. Il faut
faire en sorte qu’un praticien exerçant dans un établissement
conventionné, ne puisse plus produire ( c'est-à-dire exercer), lorsqu’il a choisi le
secteur 3, sauf à se salarier … ou re-passer en secteur 1. En
plus de discréditer le corps médical, c’était fermer la dernière
porte vers la liberté et aussi permettre aux Mutuelles, encore
dispensées de la transparence financière pourtant imposée à tous
les acteurs de la santé, d’aggraver et de profiter des contraintes
conventionnelles.
Même la pénurie de médecins a été
planifiée en diminuant l’offre pour diminuer la demande.
Echec total car le nombre de médecins
diminue dangereusement tandis que les dépenses continuent de
croître. On va vers une catastrophe sanitaire dans les six à huit
ans. »
Vous aurez été prévenus à temps !
J’ajoute personnellement que, vivant en Espagne, je constate tous
les jours, en écoutant mon entourage, que la médecine gratuite
dont bénéficient les Espagnols est de qualité globale
détestable. La population française, qui bénéficiait
auparavant d’une excellent qualité de médecine, doit décider (et
l’imposer aux administratifs !!) si elle préfère une
médecine gratuite et nulle ou une médecine payée décemment et de
qualité.
Depuis le début du siècle, les
administratifs qui dirigent la Sécurité Sociale ( sous prétexte
d’économiser alors que le « trou » augmente chaque
année) nous emmènent tout droit vers un médecine de qualité
médiocre, inhomogène et fortement étatisée. Les administrateurs font semblant de croire
(mais quand ils sont malades, ils savent très bien où aller !) que
tous les médecins donnent une prestation médicale ou chirurgicale
identique. Rien n’est plus faux. Quand on est malade maintenant, il
est fondamental de bien choisir l’endroit où l’on va se faire
soigner et le praticien qui va vous prendre en main. Ce n’est plus
toujours possible administrativement parlant. L’instrument médical
le plus important actuellement est un carnet d’adresses bien
choisies, pour chaque spécialité ou chaque pathologie. Depuis que
je suis à la retraite, je sers de « guide médical »
(comme un guide de haute montagne vous montre le sentier) aux malades
qui me le demandent pour essayer de les orienter au mieux.
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