lundi 7 janvier 2013

La médecine libérale : le naufrage ?




Editorial du Président de la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France, Docteur Gérard Maudrux. Décembre 2012.

« Il était une fois un beau pays avec des habitants heureux. Ils avaient, entre autres, les meilleurs médecins du monde, qu’ils aimaient et respectaient. Tous avaient accès aux soins, les remboursements étaient excellents et tous avaient les moyens de payer. Les rares exceptions étaient soignées gratuitement sans que personne ne le demande. L’ensemble fonctionnait mieux et moins cher qu’ailleurs.

Le malheur est que cela fonctionnait trop bien, surtout en toute liberté. Ce n’était pas supportable pour la nouvelle classe de politiques et ses conseillers, tout droit sortis de grandes écoles sans passer par la case terrain et travail. Ils se sont mis dans la tête d’organiser, de planifier, de contrôler le nombre de médecins, leurs tarifs, leurs prescriptions, etc… Rien n’est laissé au hasard. Ils n’avaient qu’un maître, Bismarck qui expliquait que pour contrôler le peuple, l’asservir, il fallait le rendre dépendant.

Résultat : la médecine libérale fait naufrage entraînant avec elle le système. Devoir suivre des protocoles, ne plus être libre de ses actes et de ses prescriptions n’est plus une médecine libérale. Une rémunération à l’acte bloquée au profit de forfaits, de subventions, de prime au rendement et à la paperasse, ce n’est plus une médecine libérale. Est-on encore libéral quand on ne maîtrise plus que ses heures de travail ?

En 1980, on avait compris que pour pouvoir continuer avec le système, pour que les médecins puissent continuer à fournir des prestations de qualité, il fallait au lieu de subventionner, avoir la possibilité de dissocier le contrat assureur-assuré, c’est-à-dire dissocier le tarif de remboursement de la valeur de l’acte médical, deux choses différentes qui évoluent différemment. On a pour cela crée le secteur 2 (dépassement du remboursement de la Sécurité Sociale autorisé).

Dix ans plus tard, en acceptant d’abandonner la liberté, nous avons gagné la servitude. Un libéral n’a pas de chaîne, un esclave, si. Le premier bracelet a été scellé en 1990-1992 avec la fermeture du secteur 2, protecteur du secteur 1 (entièrement remboursé par la Sécurité Sociale). J ‘avais protesté à l’époque, expliquant que le meilleur moyen d’empêcher le passage de médecins du secteur 1 au secteur 2 n’était pas la fermeture mais la revalorisation des actes en secteur 1.
Résultat : pour garder les médecins en secteur 1, il n’y a plus besoin de revaloriser l’acte médical qui est devenu, de loin, la prestation de service la plus basse, faisant ainsi rétrograder la place du médecin dans la hiérarchie de notre société.

Chaque nouvelle convention a apporté son maillon (à la chaîne) et le second (et dernier) bracelet vient d’être posé. Je croyais qu’il restait toujours une petite issue de secours, et qu’avec la pénurie ou si les choses s’aggravaient, vous pourriez passer hors convention. Je n’étais pas le seul, malheureusement, à le penser. Il faut connaître les vrais motifs de la dernière mascarade médiatico-conventionnelle sur les dépassements d’honoraires excessifs, qui ne coûtaient rien à l’assurance maladie.
Pour cela il faut suivre l’explication de texte faite par le Directeur de la CNAMTS devant la commission des affaires sociales du Sénat le 6 novembre 2012 : «  J’ai suggéré lors des négociations, que le déconventionnement (du praticien pour passer en secteur 3 où les honoraires sont entièrement libres) s’accompagne de l’arrêt du remboursement du groupement homogène de séjour correspondant (à l’établissement hospitalier) afin d’éviter la fuite vers le secteur 3. Il faut faire en sorte qu’un praticien exerçant dans un établissement conventionné, ne puisse plus produire ( c'est-à-dire exercer), lorsqu’il a choisi le secteur 3, sauf à se salarier … ou re-passer en secteur 1. En plus de discréditer le corps médical, c’était fermer la dernière porte vers la liberté et aussi permettre aux Mutuelles, encore dispensées de la transparence financière pourtant imposée à tous les acteurs de la santé, d’aggraver et de profiter des contraintes conventionnelles.

Même la pénurie de médecins a été planifiée en diminuant l’offre pour diminuer la demande.
Echec total car le nombre de médecins diminue dangereusement tandis que les dépenses continuent de croître. On va vers une catastrophe sanitaire dans les six à huit ans. »

Vous aurez été prévenus à temps ! 
J’ajoute personnellement que, vivant en Espagne, je constate tous les jours, en écoutant mon entourage, que la médecine gratuite dont bénéficient les Espagnols est de qualité globale détestable. La population française, qui bénéficiait auparavant d’une excellent qualité de médecine, doit décider (et l’imposer aux administratifs !!) si elle préfère une médecine gratuite et nulle ou une médecine payée décemment et de qualité.
Depuis le début du siècle, les administratifs qui dirigent la Sécurité Sociale ( sous prétexte d’économiser alors que le « trou » augmente chaque année) nous emmènent tout droit vers un médecine de qualité médiocre, inhomogène et fortement étatisée. Les administrateurs font semblant de croire (mais quand ils sont malades, ils savent très bien où aller !) que tous les médecins donnent une prestation médicale ou chirurgicale identique. Rien n’est plus faux. Quand on est malade maintenant, il est fondamental de bien choisir l’endroit où l’on va se faire soigner et le praticien qui va vous prendre en main. Ce n’est plus toujours possible administrativement parlant. L’instrument médical le plus important actuellement est un carnet d’adresses bien choisies, pour chaque spécialité ou chaque pathologie. Depuis que je suis à la retraite, je sers de « guide médical » (comme un guide de haute montagne vous montre le sentier) aux malades qui me le demandent pour essayer de les orienter au mieux.

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